4/5
Synopsis
Dans une luxueuse villa en bord de mer, une jeune femme modeste retrouve une étrange famille : un père inconnu et très riche, son épouse fantasque, sa fille, une femme d’affaires ambitieuse, une ado rebelle ainsi qu’une inquiétante servante. Quelqu’un ment. Entre suspicions et mensonges, le mystère s’installe et le mal se répand…
[Bande-annonce – L’Origine du Mal]
Critique
Alors que pour les plus cinéphiles d’entre nous, « Irréprochable » et « L’Heure de la Sortie » hantent encore nos esprits, l’arrivée surprise de « L’Origine du Mal » bouscule tout ce que nous avions connu jusqu’alors. D’un style mêlant thriller et psychose, ce nouveau film de Sébastien Marnier obsède, captive et signe incontestablement son meilleur métrage.
Une distribution à l’éloge du matriarcat
Marina Foïs, puis Laurent Lafitte, après « Papa ou Maman » l’un après l’autre, le réalisateur s’accorde un casting faisant l’éloge du matriarcat. Aux côtés d’un Jacques Weber en chef de famille solitaire, une armée d’actrices en renfort : Doria Tillier, en future femme d’affaires ambitieuse, se retrouve aux cotés de Dominique Blanc et Véronique Ruggia, patronnes du foyer familial. Quant à Suzanne Clément, prisonnière, et Naidra Ayadi, manutentionnaire industrielle, elles représentent une frange plus précaire.
Mais c’est essentiellement Laure Calamy que doit remercier Sébastien Marnier. La discrétion et la délicatesse de l’actrice évitent les risques de surenchères scénaristiques. Dans le rôle de Stéphane, ouvrière dans une usine de poisson, elle a longtemps hésitée avant de rappeler son père qu’elle n’a jamais connue. Des retrouvailles incluant la découverte d’une étrange famille…
Un thriller foncièrement féministe
Famille, argent et mâle toxique, au-delà de l’intrigue, « L’Origine du mal » relate l’union de plusieurs femmes contre un seul homme. Maître d’un royaume qu’il s’est construit, elles sont prêtes à tout pour reprendre le trône, mais à quel prix ?
Dans un engagement presque politique, ce thriller fantasme sur la destruction illusoire du patriarcat. Fort heureusement, la puissance de l’histoire l’emporte sur cette moralisation anti-droite.
Un spectacle orgasmique
Animaux empaillés, tableaux de maîtres, et verrerie à n’en plus finir, cette luxuriance digne d’un péplum tragicomique, se veut oppressante. L’atmosphère nous conforte dans notre position de voyeur, et en finit par devenir cruellement jouissive.
Quitte à parfois prendre son temps, le talentueux Sébastien Mariner a pour habitude de construire une longue mise en place. Ces préparatifs permettent à chacun de prendre ses repères malgré une ambiance déstabilisante. Or, dans « L’Origine du Mal », ce schéma que nous pensions solide, s’effondre à cause d’un élément, d’une scène ou d’une phrase ! De retournements de situation en péripéties, la tension s’accentue et ne faiblit jamais. Curiosité malsaine ou relent pervers ? Ce spectacle orgasmique nous emporte jusqu’à un final exceptionnel, qui repousse sans cesse les limites.
Outre le casting, les décors ou encore l’intrigue, le summum de la perfection relève de l’importance accordée à la bande originale. Chanson faîte sur mesure par Fishbach et Pierre Lapointe, ces deux artistes queer ont spécialement écrit un titre musical pour le métrage. Un gage de qualité rare de nos jours, qui rend même le générique appréciable à regarder !
« L’Origine du Mal » fait partie de ces films qui raisonnent dans nos têtes une fois le rideau baissé. Telle la sensation d’avoir vécu un moment de cinéma inouïe, ce chef d’œuvre inattendu est une pépite explosive à la gloire du matriarcat.
[Pierre Lapointe & Fischbach – Bande originale de « L’Origine du Mal »]
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