« A Couteaux Tirés » de Rian Johnson

4/5


Synopsis

Célèbre auteur de polars, Harlan Thrombey est retrouvé mort dans sa somptueuse propriété, le soir de ses 85 ans. L’esprit affûté et la minde débonnaire, le détective Benoit Blanc est alors engagé par un commanditaire anonyme afin d’élucider l’affaire. Mais entre la famille d’Harlan qui s’entre-déchire et son personnel qui lui reste dévoué, Blanc plonge dans les méandres d’une enquête mouvementée, mêlant mensonges et fausses pistes, où les rebondissements s’enchaînent à un rythme effréné jusqu’à la toute dernière minute.

Critique

Discret mais terriblement efficace lors de chacune de ses créations, le réalisateur de « La Mouche », « Star Wars Episode VIII : Les Derniers Jedi » (2017) et des saisons 3 et 5 de « Breaking Bads » à pris la savoureuse habitude de s’aventurer dans des inspirations toujours très bluffantes. En témoigne son dernier film, « A couteaux tirés », une comédie policière satirique, clairement inspirée du jeu de société « Cluedo ».

Sur cette dernière décennie, les adaptations de jeux vidéos au cinéma se sont imposés comme un genre à part entière. « Warcraft : Le commencement », « Assassin’s Creed », « Angry Bird » ou encore, le très prochainement « Sonic », Rian Johnson a fait le choix ludique et créatif de se détacher des inspirations numériques, au profit de l’universalité des jeux de sociétés.

C’est sûrement l’attractivité n°1 pour aller voir ce film : Le casting ! Daniel Craig, Chris Evans, Jamie Lee Curtis, Christopher Plummer… Une brochette diverse où chaque génération, chaque public reconnaîtra sa star fétiche. Avec des mises en avant différées, tous ces personnages Cluedesques revus au goût du jour bénéficient d’un traitement particulièrement soigné. Un point de désaccord en revanche sur la présence de Jaedan Martell, révélé dans « Ça », qui ne dispose de pratiquement aucune apparition, ni d’aucun dialogue.

D’un esprit rétro scrupuleusement étudié, la stylisation du contexte alloue de nombreux clins d’œils au jeu de société, à commencer par les éléments de décor. Petits objets, mobilier, passages secrets entre les pièces, rien n’est laissé au hasard dans ce manoir niché dans le Massachusetts. La pièce maîtresse la plus symbolique du film reste cette collection de couteaux circulaire en arrière plan du fauteuil des confessions.

De l’affiche jusqu’au métrage, la volonté de rendre le jeu d’origine grandeur nature passe essentiellement par les personnages, notamment grâce aux costumes. Leur style vintage et coloré appuient physiquement la psychologique de chacun d’entre eux. Certains y retrouveront bons nombres de repères pour identifier les homologues du Colonnel Moutarde, de Madame Pervenche ou de Monsieur Olive.

Des personnages désuets dans un cadre intemporel donc, mais pas seulement, puisque Rian Johnson a éparpillé quelques accroches d’actualités. Dès l’apparition de Joni Thrombey, influenceuse ratée sur Instagram et autres réseaux sociaux, nous sommes sûr que le récit est contemporain. S’en suit bons nombres de remarques politiquement engagées, notamment sur le coût des études dans le pays, ou sur l’immigration. Marta Cabrera, l’infirmière mexicaine clandestine, est d’ailleurs violemment prise à partie lors d’un débat sur le sujet. Mais dans cette famille avide d’argent, l’histoire ne s’arrête pas là… Un clin d’œil politique qui plaira certainement à tous les théoriciens obsédés par l’idée d’une suprématie blanche.

Lent au démarrage, l’enchaînement des auditions verbales des personnages lors de la première partie laisse émerger quelques craintes quant à une médiocrité possible du métrage. « Le Crime de l’Orient Express » de Noël 2017 ayant laissé des traces traumatisantes aux cinéphiles, ces fausses peurs sont vites rattrapées par l’enchaînement des premiers secrets de famille. La prise en main de l’histoire par Marta Cabrera et l’inspecteur Benoit Blanc y font beaucoup.

En effet, assez étonnant, l’énigme centrale autour du décès d’Harlan Thrombey se résout très rapidement et laisse place à de nombreuses histoires familiales. Notre obsession suspicieuse à la recherche d’un potentiel coupable se fait vite oublier. Secret en apparence résolu, cette disparité déroutante ouvre une brèche transitoire quant à un aspect plus récréatif et amusant…

Oui ! Car bien que cela ne soit pas évident au premier abord, « A couteaux tirés » est, au delà d’être un film policier, une composition humoristico-satirique relative au jeu de société. Il y a un angle comique de second plan peu évident à saisir au départ qui s’affirme progressivement sur l’étendue du récit. Benoît Blanc, inspecteur faussement mauvais interprété par Daniel Craig, impose avec exagération une pâte inattendue qui le détache de son habituel James Bond. Les blagues s’enchaînent, les situations rocambolesques aussi, frôlant le ridicule parfois, cet amateur de donuts devient rapidement le meneur de la lignée burlesque du film.

Une comédie policière ! Voilà un genre peu commun très surprenant ! Mais, même si tout n’est pas toujours très fluide, c’est bien là qu’on reconnait le talent de Rian Johnson quant à créer des atmosphères inédites, aussi innovantes qu’un Spielberg ou qu’un Cameron.

Bilan
Après les lasers et les revolvers, Rian Johnson a pris le temps d’aiguiser ses couteaux avant de les planter sur grands écrans.

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