3,5/5
Synopsis
Avec mélancolie, Sophie se remémore les vacances d’été passées avec son père vingt ans auparavant : les moments de joie partagée, leur complicité, parfois leurs désaccords. Elle repense aussi à ce qui planait au dessus de ces instants si précieux : la sourde et invisible menace d’un bonheur finissant. Elle tente alors de chercher parmi ces souvenirs des réponses à la question qui l’obsède depuis tant d’années : Qui était réellement cet homme qu’elle a le sentiment de ne pas connaître ?
Critique
Pour son premier long-métrage, Charlotte Wells, s’est orientée sur une chronique de vacances passagère entre père et fille. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un biopic ou d’une histoire vraie, le film est fortement inspiré des moments d’enfance les plus joyeux et les plus complices de le réalisatrice britannique avec ses parents. Ainsi, « Aftersun » résulte d’une exploration intime surprenante qui finit par devenir bouleversante.
Une architecture émotionnelle
Convaincant sur le papier, « Aftersun » a pourtant du mal à séduire pendant toute une première partie. Accentuées par une lenteur, ces tribulations estivales paraissent sympathiques mais sans intérêt. Or, le film exploite avec minutie l’accumulation des plus petits et imperceptibles détails qui vont progressivement construire des émotions inexplicables.
La simplicité du scénario peut paraître d’une facilité absolue et pourtant, telle une architecte, Charlotte Wells établit un croquis progressif qui stimule notre inconscient. Abordant des émotions humaines incompréhensibles et complexes, l’authenticité des instants et la pureté des scènes finissent par créer une submersion émotionnelle prodigieuse.
Un duo au sommet
« Aftersun » raconte des vacances dans un cercle père-fille au travers du regard innocent de la demoiselle. Les mises en scène successives vont confronter la pureté de Sophie face au mal-être indéfinissable de Caulum, son papa. Quelle souffrance ? Quel drame ? Quelle solitude ? Des situations parfois difficiles à vivre, comme la scène du karaoké, qui resteront sans réponse pour Sophie qui, 20 ans plus tard, replonge tête la première dans ces souvenirs avec un spleen déchirant.
Malgré ces ambiguïtés et cette tension mélancolique qui le gangrène, Caulum reste un papa stable, aimant et attachant, prêt à tout pour sa fille. Dans des instants de bonheurs uniques, à l’image de la séance de plongée ou de cette soirée de danse, dans lesquels sa priorité est, comme tout parent, de faire plaisir à sa protégée et de lui faire vivre des moments inestimables.
Nommé aux Oscars pour ce rôle transcendant, Paul Mescal porte ce film grâce à une véritable alchimie avec sa complice, Frankie Corio. Ce duo d’acteurs improbable est une admirable révélation du grand écran dont la combinaison relève d’une incroyable sensibilité.
La vraie magie du cinéma ?
Finalement, la lenteur de l’intrigue peut paraître lassante mais il ne s’agit que d’une nonchalante construction qui prend du temps. Par une beauté inexplicable, « Aftersun » devient une œuvre bouleversante. Les sentiments se mélangent, nous retournent et Charlotte Wells nous offre une fabuleuse leçon de cinéma dans laquelle tout n’est pas systématiquement ouvert à la réflexion et à l’interprétation.
Faisant appel nos ressentis les plus profonds, elle fait jaillir de notre estomac une véritable magie, jusqu’à nous arracher les larmes. Un tour de passe-passe majestueux qui ne s’explique que par l’appréciation d’une œuvre fragile et maîtrisée grâce à sa simplicité.
[Bande-annonce – Aftersun]
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