4,5/5

Synopsis

Melissa, 32 ans, surveillante pénitentiaire expérimentée, s’installe en Corse avec ses deux jeunes enfants et son mari. L’occasion d’un nouveau départ. Elle intègre les équipes d’un centre pénitentiaire pas tout à fait comme les autres. Ici, on dit que ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens. L’intégration de Melissa est facilitée par Saveriu, un jeune détenu qui semble influent et la place sous sa protection. Mais une fois libéré, Saveriu reprend contact avec Melissa. Il a un service à lui demander… Une mécanique pernicieuse se met en marche.

Critique

« Borgo » est un film saisissant, inspiré d’un fait divers tragique sur l’assassinat de deux figures du banditisme en Corse. En plein après-midi, à l’aéroport de Bastia en 2017, deux hommes trouvent la mort par balle. Une gardienne de prison est alors accusée d’avoir désigné les victimes au tueur par un simple baiser.

La Corse et ses passions locales enflammées

Il est important de souligner que le réalisateur Stéphane Demoustier a opté pour une adaptation libre de cet événement, réécrivant l’histoire à sa manière, avec ses propres interprétations. Aussi, il est crucial de noter que l’affaire est encore en cours et que le procès doit avoir lieu courant du mois de mai prochain.

Le tournage, ayant eu lieu sur place, dans les paysages magnifiques de l’île de Beauté, s’est avéré être extrêmement difficile. En effet, de nombreux acteurs et figurants se sont désistés à la dernière minute, suite à des pressions ou des menaces. Ces complications ont été exacerbées par le fait que, sur l’île, tout le monde se connaît et personne ne souhaitait être indirectement associé à cette affaire.

Par conséquent, rien que par sa mise en place, et le film le reflète très bien, « Borgo » dépeint la réalité d’une Corse où les relations sont étroites et où la moindre affaire suscite des passions locales enflammées.

Melissa, héroïne victime malgré elle

Le choix de l’actrice Hafsia Herzi pour le rôle principal se révèle être une décision ingénieuse de la part du réalisateur. Cette actrice de talent dégage une aura à la fois sereine et énigmatique. Son regard empreint de mélancolie et sa présence unique ont une influence déterminante sur l’ambiance des films qu’elle porte, à l’image de son précédent rôle dans « Le Ravissement ».

Dans « Borgo », elle incarne Melissa, une femme qui se retrouve malgré elle impliquée dans des intrigues mafieuses. Originaire du continent et fraîchement installée en Corse, elle a cherché à s’intégrer à tout prix pour elle, son mari et leurs enfants.

En tant que gardienne de prison, c’est en rendant progressivement des services qu’elle se retrouve peu à peu piégée dans une situation délicate. « Borgo » présente ainsi une héroïne attachante, empreinte de bonne foi, victime malgré elle d’une manipulation dont elle peine à trouver l’issue.

Deux intrigues parallèles

Le métrage se divise en deux parties distinctes. Au début, l’histoire n’est pas totalement limpide puisque nous suivons la vie de Melissa et de sa famille, en parallèle d’une enquête policière menée avec des moyens rudimentaires.

Melissa, gardienne de prison, et son mari Djibril, tentent de reconstruire leur vie ensemble à partir de zéro. Ils se retrouvent confrontés à un territoire hostile et un accueil mitigé où les codes culturels locaux sont prédominants.

En parallèle, l’intrigue policière se déroule avec un juge d’instruction et son équipe. Ils peinent à obtenir les preuves tangibles d’un double meurtre et doivent se contenter de vidéosurveillances obsolètes pour avancer dans leur enquête.

Malgré une certaine confusion et un décalage temporel au départ, les deux récits finissent par se rejoindre. Un coup de génie à la française digne des plus grands policiers !

Une violence tacite et souterraine

« Borgo » est un thriller passionnant qui exploite habilement le registre policier en l’associant à des contextes appropriés. Prison, mafia, argent sale, le film parvient avec subtilité à montrer que les rapports de force ne sont pas toujours aussi directs et frontaux qu’on l’imagine. Parfois, ils se manifestent de manière tacite et souterraine.

En liant cette atmosphère d’omerta extrême à la Corse, Stéphane Demoustier illustre avec finesse que les pressions psychologiques, l’angoisse et les menaces peuvent être tout aussi oppressantes.

[Bande-annonce – Borgo]