3/5
Synopsis
Madeleine, brillante et idéaliste, est une jeune femme issue d’un milieu modeste. Elle prépare activement l’oral de l’ENA dans la maison de vacances d’Antoine, son petit-ami, en Corse. Un matin, sur une petite route déserte, le couple se trouve impliqué dans une altercation qui tourne au drame. Lorsqu’ils intègrent les hautes sphères du pouvoir, le secret qui les lie menace de voir le jour. Et tous les coups deviennent permis.
Critique
Classique dans sa forme, ce roman policier de Sylvain Desclous reste pour autant solide par sa mise en scène, notamment grâce à des acteurs de qualité. Entre jeunesse, fougue et arrivisme, « De Grandes Espérances » relate un sombre voyage dans les entrailles sinueuses de l’arène politique.
Un casting de carrure pour des personnages de carrière
« De Grandes Espérances » est un film réussi qui repose essentiellement sur son casting. A commencer par la star du moment, Rebecca Marder, devenue la nouvelle référence incontournable du cinéma français. Dans le rôle de Madeleine Pastor, elle joue une jeune fille ambitieuse, issue de la classe moyenne, prête à passer le concours de l’ENA. Par ce transfuge de classe, elle espère voir sa situation sociale changer.
Personnage complexe, elle est pourtant loin d’être aussi sympathique qu’il n’y paraît au premier abord. L’intrigue va progressivement soulever des zones d’ombres la concernant, notamment dans les rapports tortueux qu’elle entretient avec son père. Parfois sans pitié, elle se raccroche à sa carrière de façon enragée, presque névrosée.
En couple avec Antoine Mandeville, cet enfant de bonne famille est habitué à faire bonne figure. Interprété par Benjamin Laverne, l’acteur excelle dans un rôle loin d’être facile, puisque son personnage est un anti-héros antipathique, égoïste et très lâche, voir faible. Ce duo intime est rapidement rattrapé par un troisième personnage, celui d’Emmanuelle Bercot. Souvent cantonnée à des personnages instables, l’actrice incarne cette fois-ci, une députée forte, pragmatique et combattive.
Un couple face à l’épreuve du crime
Tantôt polar plutôt que thriller, le suspens est épuré. Il n’y a pas d’énigme à déchiffrer. La question centrale est de savoir comment les protagonistes vont se détacher de cette affaire, tout en sauvant les apparences. Chantage, séparation, culpabilité, réussite, le film se glisse dans une faille entre le traumatisme des personnages, et l’impartialité que réclame leur carrière publique. Finalement, prétendre améliorer le pays tout en ayant les mains sales, n’y aurait-il pas une part de déshonneur personnel qui les ronges ?
Bien que l’attrait politique soit omniprésent, il n’en reste pas moins un élément accessoire venu accentuer la puissance du récit policier. Alors effectivement, l’univers est un choix admirable car malsain et gangréné par la corruption et le favoritisme. Or, « De Grandes Espérances » demeure essentiellement le drame d’un couple tiraillé face à l’épreuve du crime.
Un film psychopolitique ou politico-psychologique, avec une omerta à la française comme on adore les faire ! Pas de contextes, pas de noms, on ne sait pas qui est le Président, ni dans quelle partie de la France est-ce que les députés travaillent… Un flou spatio-temporel volontaire qui permet au spectateur d’être totalement imprégné par l’intrigue.
Vacillant entre meurtre et diplomatie, « De Grandes Espérances » est minutieux, soigné, d’autant plus qu’il est renforcé par de brillantes têtes d’affiches. Intense, prenant, la scène d’ouverture est exceptionnelle et cette histoire d’amour noire sur fond d’ambitions démesurées s’inscrit comme un bon divertissement.
[Bande-annonce – De Grandes Espérances]
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