3,5/5
Synopsis
Alger. Houria est une jeune et talentueuse danseuse. Femme de ménage le jour, elle participe à des paris clandestins la nuit. Mais un soir où elle a gagné gros, elle est violemment agressée par Ali et se retrouve à l’hôpital. Ses rêves de carrière de ballerine s’envolent. Elle doit alors accepter et aimer son nouveau corps. Entourée d’une communauté de femmes, Houria va retrouver un sens à sa vie en inscrivant la danse dans la reconstruction et sublimation des corps blessés…
Critique
Après la réussite de « Papicha » Mounia Madder fait son retour dans une œuvre solaire, toujours aussi engagée. Avec la même équipe technique et les mêmes comédiennes que lors de son premier film, « Houria » s’impose avec force et sensibilité, comme la continuité évidente (et remarquable !) de son prédécesseur.
Face au choc, le silence
Suite à son agression, Houria, jeune danseuse algérienne, se retrouve condamnée au silence. Au sens propre, puisqu’elle a perdu sa voix et ne peut plus parler. Puis au sens figuré, face au choc et à la peur de croiser son assaillant Ali, encore en fuite. Par cette allégorie, la réalisatrice porte un message fort sur l’inégalité des sexes et la domination sociale des hommes en Algérie.
En pleine rééducation, Houria va intégrer un groupe de femmes. Chacune ayant son traumatisme personnel, elles se retrouvent liées les unes aux autres par leurs blessures respectives. Grâce au langage des signes, elles vont apprendre à communiquer entre elles sans que personne ne les comprenne. Une manière intime qui va leur permettre de s’exprimer en toute liberté.
La danse, symbole de liberté de d’émancipation
Symbole du métrage, visible dès l’affiche, « Houria » est un film complet et évolutif autour de la danse ! Dès les premières secondes, et pendant toute la partie introductive, la jeune femme doit respecter les critères définis d’un ballet classique, avec exigence et rigidité.
Or, après cet accident, et faisant face à ses blessures, Houria va difficilement tourner la page de la danse classique. En pleine résilience, elle va peu à peu se reconstruire et se réapproprier son corps. Telle une métamorphose, et laissant les contraintes de côté, les danses vont devenir plus créatives, plus spontanées et davantage dans le partage.
Partant d’une introduction où Lyna Khoudri danse seule, le film évolue jusqu’à cette scène finale, où le groupe de femmes dont elle fait partie, danse ensemble, coordonnées les unes aux autres. Ce contraste n’est autre que le fil conducteur d’une renaissance progressive, lente, mais terriblement exaltante.
Le fantasme d’un avenir meilleur
Ce contexte artistique a notamment été choisi par la réalisatrice, pour montrer la difficile acceptation des femmes algériennes. Comédie, mode, photographie, comme « Papicha » l’avait parfaitement exposé, leur intégration est combat permanent, d’autant plus dans ces vecteurs d’expression et de liberté.
Au-delà d’une reconstruction personnelle, « Houria » s’inscrit aussi comme un film engagé, empreint d’une brûlante actualité. Avec ces milices terroristes qui sèment la terreur dans le pays, nombreuses sont les maghrébines qui fantasment sur un avenir meilleur, loin de chez elles, particulièrement en Europe, au prix de nombreux sacrifices.
Envisager de partir, puis passer à l’action, tel est l’un des thèmes délicats soulevés par le métrage. En plus des risques qu’une telle traversée de la Méditerranée représente, il y a avant-tout un arrachement, un déracinement personnel quant à quitter son pays et ses proches pour repartir de zéro.
Film poignant, « Houria » déborde de couleurs, de lumières, d’ambitions et d’envies. Bien que certains passages soient compliqués, Mounia Madder écrit une leçon de vie avec beaucoup d’espoir dans le désespoir. Entre immigration, violence et terrorisme, la danse se détache comme l’emblème rayonnant d’une jeunesse, en quête d’aspiration et d’optimisme, le temps d’un film. Fabuleux.
[Bande-annonce – Houria]
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