
4,5/5
Synopsis
Un matin, Maureen Kearney est violemment agressée chez elle. Elle travaillait sur un dossier sensible dans le secteur nucléaire français et subissait de violentes pressions politiques. Les enquêteurs ne retrouvent aucune trace des agresseurs… Est-elle victime ou coupable de dénonciation mensongère ?
Critique
Pour cette deuxième collaboration avec Isabelle Huppert, le réalisateur concrétise sans nul doute le plus grand film de sa longue carrière. Thriller engagée, docu-fiction dénonciateur ou encore, biopic juridico-politique, « La Syndicaliste » est une réussite à tout point de vue, qui relate le récit ténébreux de Maureen Kearney, anciennement lanceuse d’alerte dans l’industrie du nucléaire.

Au plus près de la vérité
L’histoire de cette nouvelle figure, ce n’est autre que le parcours d’une syndicaliste, qui pense en premier lieu défendre des milliers d’emplois. Se retrouvant malgré elle au cœur d’une bataille qui la dépasse, elle va entrer en conflit contre sa direction pour empêcher un projet caché de transfert technologique et financier, de la France vers la Chine.
Précis et courageux, cette histoire vraie respecte les faits dans les moindres détails, au point qu’aucun des noms des protagonistes n’aient été modifiés, qu’il s’agisse des dirigeants, des entreprises et même des ministres ! Cette pépite aux faux airs de « La Fille de Brest » inaugure le portrait d’une guerrière de l’ombre, moderne et attachante.

Le portrait d’une héroïne singuière
Avec un rôle presque semblable à celui qu’elle incarnait dans « Elle » en 2016, Isabelle Huppert retourne dans les tranchées d’un personnage à succès. L’actrice retrouve ainsi la poigne d’une femme battante, prête à enfouir ses sentiments, au profit de son engagement. Une figure solide qu’elle a le talent de conjuguer avec une part d’empathie et de fragilité face aux évènements qu’elle traverse.
En plus d’une qualité de jeu incroyable, la transformation physique accentue une interprétation des plus bluffantes. Coloration blonde à frange, lunettes imposantes, boucles d’oreilles ostentatoires, dès l’affiche officielle, la ressemblance avec la véritable Maureen Kearney trouble. Héroïne singulière, d’autres petits détails, comme ces vêtements flamboyants ou ce rouge à lèvres prononcé, viennent caractérisés l’emblème du personnage.
C’est, bien entendu, sans compter sur les rôles secondaires de deux acteurs protecteurs qui l’entourent dans ce film ! Deux hommes, deux nounours, dont chacun incarne un repère pour la protagoniste. Grégory Gadebois, en tant qu’époux, sera le socle de son foyer, tandis que François-Xavier Demaison, collègue syndiqué de longue date, est un de ses principaux soutiens dans sa vie en entreprise.

Un biopic en trois parties
« La Syndicaliste » est une aventure à triple tranchants. Une même histoire sous le regard de trois intrigues, parfaitement combinées les unes aux autres. Dans une première partie aux allures d’un « Miss Sloane » à la française, les avertissements tombent et les intimidations sont progressives. Mais déterminée, rien n’arrête la femme dans sa croisade.
Ensuite, le film bascule dans un thriller anxiogène de grande intensité. Pressions psychologiques, appels incessants, menaces anonymes, le spectateur pénètre peu à peu dans l’intimité de la femme d’affaire. Des angoisses qui s’intensifient jusqu’à cette ultime effraction, chez elle, en plein après-midi.
Agressée, molestée, puis violée, alors que les investigations avancent, le métrage sème le doute dans notre esprit : Et si les accusations de Maureen Kearney étaient fausses ? Saisissant, brillant, cette ambiance, semblable à un polar, rappelle l’incertitude des grandes lignes de « La Nuit du 12″, César du Meilleur Film français 2023.
De l’enquête de police jusqu’à l’audition au tribunal, la troisième et dernière partie dénonce un angle judiciaire par ses failles et surtout, ses compromissions. En explorant chaque fait dans les moindres détails, « La Syndicaliste » s’affirme comme un film complet, clair et instructif.

Un scandale d’état
Alors que le final nous laisse bouche bée, les bras ballants, ce biopic d’actualité dénonce, par des faits avérés, les limites d’un système opaque qui se confond entre démocratie et capitalisme. Ce scandale d’état remet en cause une certaine autorité, et amène à s’interroger sur les risques quant à bousculer les sphères frénétiques du pouvoir.
Film rare et précieux, « La Syndicaliste » bouge les lignes. Jean-Paul Salomé signe un véritable coup de tonnerre, qui dépasse l’œil du grand écran. La députée Clémentine Autain ayant déjà réclamée une commission d’enquête parlementaire sur le sujet, il ne serait pas étonnant que ce chef d’œuvre soit le symboble d’une répercussion politique puissante dans les semaines à venir… Impressionnant.
[Bande-annonce – La Syndicaliste]
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