« La Belle Epoque » de Nicolas Bedos

La Belle Époque - Film (2019) - SensCritique

5/5 !
[Coup de ♥ Cinéphilion]


Synopsis

Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversé le jour où Antoine, un brillant entrepreneur, lui propose une attraction d’un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, cette entreprise propose à ses clients de replonger dans l’époque de leur choix. Victor choisit alors de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour…

Critique

Un film au compteur seulement et Nicolas Bedos sort à bras le corps son premier box-office significatif : « La Belle Epoque ». Surprenant, intemporel, délicieux, ce voyage au cœur de la nostalgie d’antan signe le grand retour du duo Fanny Ardent & Daniel Auteuil pour la première fois depuis « Le Paltoquet » en 1986.

« Alibi.com », « Rupture pour tous »… Des start-up en pleine croissance au cœur d’une intrigue romancière, il y a ces dernières années une mouvance particulière du cinéma qui s’aligne aux tendances économiques actuelles, mettant en scène de jeunes entrepreneurs. Antoine, interprété par Guillaume Canet, innove et propose à ses clients de revivre l’époque de leur choix grâce sa société « Les Voyageurs Du Temps ». Une amorce intelligente, prétexte à une romance croisée entre deux couples, chacun sous l’influence et les écorchures du temps.

Victor et Marianne, couple de retraités, ne se comprennent plus. Leur relation ayant évoluée sous les artifices d’une société de plus en plus superficielle, l’argent, le numérique et l’illusion d’une jeunesse éternelle sont venus ébranlés les fondamentaux de leur passion. Un duo à faire rêver tous les cinéastes, même quand ils se disputent ! En confrontation permanente dès les premières minutes, le talent de Fanny Ardent prend vite le dessus avec des répliques à la fois piquantes et savoureuses.

« La Belle Epoque », ce n’est pas seulement le nom d’un café des années 70, c’est aussi la désignation directe d’une France passée, plus simple, moins complexe, où liberté rimait avec légèreté, où la simplicité savait s’apprécier. Fumer n’importe où et rouler au diesel sans ceinture ne posait pas de problèmes, n’en déplaise à Benjamin Grivaux…
D’ailleurs, Daniel Auteuil ne se prive pas de rappeler les biens-faits de son temps : « J’ai l’impression que c’était plus simple, il y avait les riches et les pauvres, la droite et la gauche, (…) les gens se parlaient à table sans regarder leur téléphone. »

Dire que la spontanéité était plus présente avant insinue forcément qu’elle l’est moins aujourd’hui. La voix féminine du véhicule qui détecte la cigarette dans l’habitacle ou le détecteur de fumée dans la cage d’escalier sont par ailleurs de très bons contre-exemples actuels.

Alors que Victor revit la rencontre avec sa femme dans l’illusion, Marianne s’installe en concubinage avec François, un ami du couple. Dans un fantasme commun, chacun se persuade d’être heureux. Nicolas Bedos assume ce parallélisme et institue une opposition visuelle dans les mises en scène. Dans un décor coloré au rythme des années 70, Victor redécouvre la bonne bouffe, la liberté sexuelle et la drogue sans complexe. Sa femme bénéficie quant à elle d’instants significatifs, avec son fils ou avec des amis, dans des ambiances contemporaines, froides et lugubres. Il se dessine progressivement une allégorie du manque : Elle ressent profondément l’absence pendant que Victor projette son amour perdu sur Margot, la jeune actrice.

« La Belle Epoque », ce sont aussi Antoine et Margot. Lui, chef d’entreprise instable est un brin paranoïaque. Elle, une de ses actrices, est en permanence sur la défensive. Jeunes, beaux et ambitieux, ils sont pourtant eux aussi pris dans le tourbillon de leur propres sentiments. Ils se chamaillent, se déchirent à en crever pour à chaque fois se retrouver.

Dans cette tempête de sentiments, lorsque Doria Tillier, alias Margot, danse sous une pluie de pétales de roses sur du Baccara, il y a une désescalade émotionnelle. Ce type de scène se fait rare dans un scénario ! Comme une sorte de medley, toutes les histoires du récit s’entremêlent. Le spectateur se désoriente dans une série de clichés intelligemment ficelée. Victor jettent son dévolu sur la jeune actrice, Antoine, spectateur impuissant de la scène, est tiraillé par la jalousie, et Marianne, dévorée par le manque, s’enfonce dans une désolation profonde.

Doté d’une jolie moralité, « La Belle Epoque » est un conte fantaisiste sur le temps qui passe et qui ne peut se rattraper. Outre cette réalité, le final s’accorde malgré tout la prétention utopique de réécrire l’histoire dans le pardon tout en effaçant certaines erreurs du passé.

Bilan
Incomparable, « La Belle Epoque » est une romance moderne à l’écriture nostalgique qui instruit sur la beauté des instants.

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