
3,5/5
Synopsis
Le 3 juin 2017, Reality Winner, vingt-cinq ans, est interrogée par deux agents du FBI à son domicile. Cette conversation brosse le portrait complexe d’une milléniale américaine. Pourquoi le FBI s’intéresse-t-il à elle ? Qui est vraiment Reality ?
Critique
Il faut savoir qu’à l’origine, « Reality » est une pièce de théâtre intitulée « Is this a room ». L’œuvre fut ensuite adaptée en un téléfilm, destiné à la chaine américaine HBO. Suite à sa diffusion, la presse et le public ont tellement été impressionnés, qu’il a eu le droit à une présentation au Festival de Berlin et à une exploitation dans de nombreuses salles de cinéma à travers le monde.
Face à un tel engouement, la metteuse en scène Tina Satter a choisi de passer derrière l’écran. « Reality » raconte la folle histoire de Reality Winner (oui, oui, c’est bel et bien son vrai nom !). Au gré d’un interrogatoire à huit clos dans son garage, le film relate les prémices d’une scandale politique de grande ampleur…

Une réalisation presque parfaite
« Reality » frappe fort grâce à une réalisation admirable, presque parfaite. En effet, les dialogues reprennent au mot près l’authentique transcription de l’entrevue de la jeune femme, menés par deux hommes du FBI. Afin que la transparence soit totale, l’enregistrement audio d’origine vient quelque fois superposer les échanges du film. En plus de l’écoute, « Reality » justifie sa véracité en s’appuyant aussi sur des archives écrites de l’enquête.
Un film osé qui balance entre biopic, thriller et documentaire.
Cette relecture quasi documentaire des faits se devant d’être au plus proche de la réalité, l’interprétation des acteurs en est d’autant plus bluffante. Chaque détail compte, comme l’intonation de certains mots ou le débit de la voix. L’objectif étant de minutieusement respecter les témoignages d’origine. Un travail d’une immense précision assez impressionnant !

Des manques qui stérilisent l’affaire
Probablement par mesure de sécurité, certaines phrases de l’enregistrement sont volontairement masquées. On se doute rapidement que ces trous mentionnent des noms ou des adresses que l’Etat américain tient à protéger. Pour combler ces absences, la réalisatrice a créé une habile mise en scène.
Malheureusement, ces manques stérilisent l’affaire et rendent le film complètement superflu… Un gâchis, car si cet angle avait été approfondi, « Reality » aurait pu traduire bon nombre de dysfonctionnement dans la démocratie américaine.

Un sens de l’engagement bafouée
Ainsi, dans un huit clos improvisé, on assiste à l’interrogatoire d’une jeune femme dont on ne connaît ni la teneur, ni les fondements de l’incident. Bien entendu, nous nous doutons que cela relève des secrets d’états. Et nous faisons vite la liaison avec le scandale qui avait éclaboussé la classe politique américaine en 2017.
Mais dans sa démarche, « Reality » manque profondément d’objectivité. La réalisatrice choisit de mettre en avant une femme telle une star, alors que cette dernière a été soupçonnée d’espionnage. Certains y voient un acte héroïque, et la qualifie de « lanceuse d’alerte ». D’autres, plus sensés, y verront une salariée de l’Etat américain, qui a sciemment choisit de divulguer des informations compromettantes.
Un acte délibéré, un sens de l’engagement bafoué, qui a réveillé les traumatismes encore profonds d’une Amérique instable.

Les techniques rudimentaires d’un « Reality » show
Au-delà de cette affaire, « Reality » affirme frontalement une ingérence russe d’avoir savamment orchestrée l’élection de Donald Trump. Le métrage continue de creuser le fossé d’un pays déjà divisé. Car il suppose que les électeurs ont été influencés dans leur choix et qu’ils se sont laissés convaincre par la pollution de données étrangères. Une façon indirecte d’affirmer que l’américain moyen n’est pas en capacité de réfléchir.
Ainsi, même si « Reality » reste agréable à regarder, il se dessine une espèce de prétention imbuvable de la part d’un milieu artistique moralisateur. Mais… Profiter d’un scandale d’état pour faire du sensationnel sur de l’émotion, ne serait-ce finalement pas les techniques rudimentaires des « Reality » shows ?
[Bande-annonce – Reality]
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