4/5
Synopsis
Inès est menacée de se faire expulser de chez elle avec Adam, son fils de 14 ans. A la recherche d’un emploi, elle est prise à l’essai chez Anti-Squat, une société qui loge des personnes dans des bureaux inoccupés pour les protéger contre les squatteurs. Son rôle : recruter les résidents et faire respecter un règlement très strict. Inès est prête à tout pour se faire embaucher et s’en sortir pour son fils. Mais jusqu’où ira-t-elle ?
Critique
De prime abord, ce qui rend « Anti-Squat » intéressant, c’est que le film porte un sujet ambivalent. On peut penser au départ qu’il s’agit d’une très bonne idée car il y a de plus en plus de locaux vacants. Et que, dans le même temps, de plus en plus de gens ont du mal à se loger de façon descente. Cette solution semblable à une ubérisation du logement, intervient comme une opportunité d’utilité publique.
Or, on se rend vite compte que, dans les faits, s’il n’y a pas de cadre strict, cela peut donner lieu à des dérives immorales inquiétantes, voire graves.
Un regard cynique
Froid, clinique, « Anti-Squat » déshumanise par un regard cynique, le business du logement. Cette ambiance, particulièrement angoissante, a tendance a rappeler celle des thrillers politiques dans lesquels les personnages sont prêts à tout.
Sauf que dans le cas présent, il y a un attrait social puissant. Il s’agit d’une conjoncture dans laquelle des travailleurs actifs se retrouvent en mal de logement. Des situations précaires qui le poussent à prendre cette solution de résidence par dépit.
Madame-Tout-Le-Monde
Ayant perdu son travail, et sur le point d’être expulsée de son appartement, c’est par ce concours de circonstances navrantes qu’Inès accepte précipitamment ce job auprès de « Anti-Squat ». Elle y découvre un poste de Property Manager, qu’elle pense à vocation humaniste… Sur le papier.
Or, elle se retrouve rapidement au cœur d’une spirale infernale. Elle doit appliquer les règles de l’entreprise à la lettre, quitte à être inhumaine. Néanmoins, elle garde une empathie pour ses colocataires de galère.
En tant que spectateur, on a vite conscience qu’elle n’a pas vraiment d’issue. Il est difficile de lui en vouloir. Ce côté Madame-Tout-Le-Monde, brillamment interprété par Louise Bourgoin, ne fait pas d’elle une femme courageuse mais plutôt craintive, prête à tout accepter pour s’en sortir.
Le panorama de la précarité
Professeur d’histoire-géo, infirmière et chauffeur de taxi, avec des personnages lambdas, le film établit le panorama d’une société en souffrance. Il montre avec fracas que la précarité peut toucher tout le monde, quels que soit les profils. Et c’est là que « Anti-Squat » devient intéressant, et même socialement engagé.
Il met en lumière des gens invisibles qui survivent et qui, malgré un travail et un revenu décent, ne s’en sortent pas. Les transports deviennent compliqués, et bien qu’attractives, les grandes villes sont de plus en plus chères, d’autant plus lorsque l’on est célibataire.
Combat ou confort ?
Dans un combat acharné, Inès se retrouve morcelé entre rendre justice à ses résidents au risque de tout perdre. Ou évoluer dans l’entreprise, et choisir égoïstement une meilleure situation pour elle et son fils. Choix de vie ou choix du cœur, combat ou confort, tel va être son dilemme final.
Vis-à-vis de cette expérience, son fils Adam va grandir et apprendre de sa mère. Un exemple de manque de courage à ne surtout pas reproduire à ses yeux. La dernière image en est d’ailleurs très parlante puisque, contre l’avis de sa mère, il choisit d’aller timidement manifester dans le blocus de son lycée…
Comme une onde de choc, « Anti-Squat » est un thriller anticipatif bien plus ambitieux qu’il n’y parait. Le métrage prédit avec audace, le futur d’un monde brutal dans lequel chacun sera prêt à se soumettre à des compromis pour défendre sa condition. Et ce, au prix de nos propres libertés… Terriblement visionnaire, n’est-ce pas ?
[Bande-annonce – Anti-Squat]
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