
4/5
Synopsis
Paris, 1985. Vanessa a treize ans lorsqu’elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain quinquagénaire de renom. La jeune adolescente devient l’amante et la muse de cet homme, célébré par le monde culturel et politique. Se perdant dans la relation, elle subit de plus en plus violemment l’emprise destructrice que ce prédateur exerce sur elle.
Critique
« Le Consentement » est l’adaptation directe du récit autobiographique de Vanessa Springora. Portée à l’écran par la réalisatrice Vanessa Filho, le biopic raconte comment adolescente, la jeune femme fut la proie psychique d’un écrivain manipulateur.
Ayant fait un démarrage timide lors de sa sortie, le film a suscité un intérêt croissant après plusieurs semaines à l’affiche. Entre vidéos TikTok et témoignages Snapchat, « Le Consentement » est devenu un sujet de société inattendu dont les jeunes générations se sont emparées.

De l’admiration au malaise
Dès l’affiche, les choses sont explicites : deux mains recouvrent les yeux d’une jeune adolescente. Cette représentation évocatrice met en scène une victime aveuglée par son prédateur manipulateur. En une image, le thème est imposé.
Le film nous plonge dans la peau de Vanessa, encore collégienne. Le but est de comprendre comment elle va se laisser séduire par les mots doux de Gabriel Matzneff. Rapidement emportée par une vague de naïfs sentiments, elle ressent le tourbillon du premier amour… Créant un malaise palpable.
Sous les traits de Kim Higelin, Vanessa nourrit un désir profond : celui d’être à la hauteur de l’homme qu’elle aime. Elle aspire constamment à comprendre sa philosophie et sa réflexion. Cette forme d’admiration passe notamment par la découverte de ses lectures.

Une innocence brisée
Or, « Le Consentement » est surtout le récit d’une innocence brisée. Il ne se limite pas à la relation entre Vanessa et Gabriel Matzneff, mais explore toute l’influence néfaste qui a marquée la jeune fille.
Au départ peu loquace, elle acquiert progressivement l’assurance d’une femme. Sa voix s’affirme, son vocabulaire s’enrichit. Convaincue de son épanouissement sous l’emprise de l’homme qu’elle admire, elle ignore qu’il est en réalité en train de détruire sa jeunesse à petit feu.
A à peine 14 ans, l’adolescente a pris goût au vin blanc et à la cigarette. Elle a découvert, malgré elle, des pratiques sexuelles d’une violence inouïe avant même d’apprendre à connaître son corps. Et ce sont surtout les lectures de l’auteur qui seront le coup de grâce, lorsqu’elle découvrira concrètement ce qu’est la pédophilie.

Entre séduction et répulsion
Ce qui est d’autant plus saisissant dans le film, c’est la qualité du casting ! A commencer par Laëtitia Casta ! Incarnant la mère de Vanessa, son personnage est complexe car en tant que maman, elle voit sa fille grandir, devenir libre. Mais elle est se retrouve démunie et ne sait pas comment s’y prendre pour la protéger.
Jean-Paul Rouve, quant à lui, est méconnaissable. Bien loin de l’emblématique Jeff Tuche, il joue un personnage dramatique puissant, doté d’un esprit reptilien perturbant, oscillant entre séduction et répulsion. Une telle personnalité est si déconcertante qu’elle finit par nous glacer d’effroi.
Incarner Gabriel Matzneff à l’écran, c’est être capable de passer d’un charme étincelant à une cruelle froideur. Personnalité narcissique et autocentrée, c’est un véritable manipulateur. Il tire plaisir d’un mécanisme de manipulation perverse, traitant ses victimes comme du bétail qu’il dévore à sa guise.
L’acteur affirme que c’est le rôle le plus éprouvant de sa carrière. Pour appréhender son personnage, il s’est plongé dans l’univers de Gabriel Matzneff en lisant ses livres et en écoutant ses interviews. Il voulait pour mieux le comprendre. Il admet n’avoir rien saisi… À tel point que, chaque jour de tournage, l’acteur se douchait une fois rentré, car il avait l’impression d’être souillé, comme s’il était couvert de boue.

Des scènes crues, jusqu’à être nauséeuses
A titre comparatif, « L’Eté Dernier » de Catherine Breilllat appréhendait la pédophilie dans une démarche de liaison accidentelle entre une belle-mère et son beau-fils. Il y avait un sentiment de culpabilité, presque excusable.
Dans « Le Consentement », la représentation des rapports sexuels est si crue qu’elle en est insoutenable. Elle en devient presque nauséeuse par moment.
Ces séquences, bien qu’elles puissent être difficilement regardables, revêtent une importance capitale. Elles permettent aux spectateurs de saisir l’ampleur des tourments et de la souffrance vécus par l’adolescente. Ainsi, même si choquants, ces instants reflètent la nature révoltante d’une relation toxique qui n’a pas lieu d’être.

La revanche d’une femme
Derrière ce vécu, « Le Consentement » relate l’histoire d’un viol rendu public. Il faut s’avoir qu’en tant que littéraire, il s’inspirait des proies qu’il manipulait pour les donner ouvertement en pâture dans ses écrits.
Publié en Janvier 2020, le livre original était une revanche importante pour Vanessa Springora. Mais elle n’a jamais franchi le cap de nommer son agresseur. Aujourd’hui, en 2023, c’est avec un certain courage qu’elle met ouvertement en cause Gabriel Matzneff dans ce film.
Cet écrivain adulé transgressait ouvertement la loi en utilisant ses expériences infantiles comme source d’inspiration. Or, le film va plus loin et dénonce un système élitiste qui a volontairement fermé les yeux, jusqu’à normaliser la pédophilie. A travers des images d’archives, il est ahurissant de constater l’impunité outrancière dont l’auteur a bénéficié.
Avec un certain recul, on remarque une belle évolution des normes sociales. Heureusement, la pédophilie n’est plus aussi décomplexée, même sous couvert de littérature. Cependant, il est révoltant de constater qu’à une époque où l’homosexualité était encore pénalisée, l’attirance pour les jeunes enfants était quant à elle, banalisée.

Comme « Jusqu’à la Garde » ou « Polisse », « Le Consentement » se classe parmi ces films exceptionnels, riches en qualités, qui ne se regardent qu’une seule fois. Compliqué à voir, ces oeuvres d’utilité publique nous marquent au fer rouge, tant la réalité nous percute.
« Le Consentement » est un métrage puissant qui libère une parole essentielle dans le débat public. Nous sommes dans une époque parfois difficile, mais le film souligne avec un certain recul, les fabuleux progrès de notre société. En effet, aujourd’hui, qui pourrait tolérer de tels agissements de la part d’une personnalité publique ? Merci à ce film d’exister pour nous le rappeler.
[Bande-annonce – Le Consentement]
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