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Synopsis
Le temps d’un dîner, des couples d’amis décident de jouer à un « jeu » : Chacun doit poser son téléphone portable au milieu de la table et chaque SMS, appel téléphonique, mail, message Facebook, ect… devra être partagé avec les autres. Il ne faudra pas attendre bien longtemps pour que ce « jeu » se transforme en cauchemar.
Critique
« Les Infidèles » et « Radin ! » parmi ses comédies les plus connues, Fred Cavayé a toujours aimé accentuer des traits de caractère sous couvert de parodie. Peut-être un brin de Molière dans l’âme, le réalisateur propose cette fois-ci une histoire au goût du jour. A huit clos, « Le Jeu » est un dîner de cons des temps modernes qui ironise sur nos réflexes comportementaux autour du téléphone portable.
Dans les croyances populaires, la Lune incarne la maîtrise du temps. Elle contrôle les marées, les saisons, les humeurs et même, selon certains, la pousse de nos cheveux. Tout un symbole lorsque l’on sait que cette soirée qui s’annonce, se fera sous une pleine Lune, masquée par une éclipse. Un phénomène rare, chargé de superstitions, laissant présager la révélation de secrets cachés sous le tapis.
Une expérience sociologique
Lors des premiers instants, au gré de la présentation des personnages, les premiers échanges montrent à quel point le téléphone est devenu un outil de contrôle : La mère veut savoir où sa fille adolescente va en soirée, chez qui et avec qui. On apprend d’ailleurs qu’elle a déjà scruté ses amis sur les réseaux sociaux. Puis il y a cette autre maman, qui veille à ce que ses enfants soient couchés en appelant la grand-mère qui les garde, en FaceTime…
Il se dessine alors une forme de représentation et de maîtrise de soi. D’ailleurs, Marie et Vincent, le couple central du film, interprété par Bérénice Bejo et Stéphane De Groodt, incarne intelligemment cette complexité. En effet, l’une est psychiatre, l’autre chirurgien esthétique, et ils le disent : Leur métiers n’ont jamais autant marché ! Ils réparent le mal-être des gens, de manière physique ou psychique, dans un monde régi par l’apparence. Tout un concept…
« Le Jeu » devient alors une expérience cinématographique, presque sociologique.
La force des dialogues
En tant qu’actrice principal, Bérénice Bejo détient les principales forces de dialogues. A commencer par cette première pique autour de la géolocalisation : « Nous sommes tous des victimes consentantes qui perdons jour après jour un petit peu de libre arbitre. »
Autre exemple, et pas des moindres, puisque c’est LA phrase qui fait basculer le scénario vers le jeu : L’échange tendu avec son mari sur l’idée de fouiller le smartphone de son partenaire. Lui n’est pas d’accord, elle, passe de curieuse à inquisitrice. Elle justifie que cet outil est devenu « la boîte noire du couple ». Et que cela peut provoquer bon nombre de divorce. Un vrai changement de société…
Une comédie grand public
Cette satire montre avec cynisme à quel point nous sommes dépendants, voir même esclaves de nos smartphones. Dérision ultime, cette application de sport qui donne à Ben des instructions à IMPERATIVEMENT suivre tout moment du jour et de la nuit ! Ou bien, plus naïvement, il y a la traditionnelle selfie de groupe, devenu LE rite de nos soirées.
Au-delà de la réflexion critique, « Le Jeu » demeure avant tout une comédie de grand public ! Les péripéties sont multiples, et elles s’enchainent avec finesse. De la surprise à l’émotion, les notes d’humour sont marquantes et chacun peut s’identifier aux situations. Sont abordés dans les grandes lignes l’adultère, l’homosexualité, les confidences de famille, les relations de travail, et même l’appréhension de la première fois…
Moralité, restons cachés ?
D’ailleurs, le personnage de Léa, interprétée par Doria Tillier, apporte un contre-exemple face aux des clichés de la jeune génération accro aux appareils ! Belle, jeune, mariée épanouie, la trentaine, elle est la seule qui n’a rien à se reprocher autour de la table. Elle casse les codes, apporte une fraîcheur et une pureté terre à terre nécessaire au film. Sa simplicité montre que les gens simples sont bien plus nombreux que ce que l’écosystème d’influence numérique laisse à penser…
Au risque de frôler le grand déballage, « Le Jeu » a frappé dans la fourmilière de quelques misérables vies bien établies. Un quotidien monotone jonché des péchés bien gardés sous couvert de technologie. Finalement, la véritable morale n’est-elle pas « Vivons heureux, vivons cachés » ?
« Le Jeu » aborde les sujets les plus universels du monde sous un angle numérique, reflet satirique de l’évolution de nos échanges.
[Bande-annonce – Le Jeu]
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